Aujourd'hui, le mariage symbolise l'amour entre deux êtres, mais en était-il de même pour nos ancêtres ? Se mariaient-ils par amour ou par raison ? Les mariages étaient-ils arrangés ?
Au fil des registres, on peut facilement constater que la plupart des mariages sont célébrés entre personnes de même condition sociale, du même univers professionnel, ou bien du voisinage. J'ai par exemple souvent rencontré des enfants de meuniers qui épousaient des enfants de meuniers ou de boulangers. J'ai déjà évoqué une autre famille avec des alliances de bouchers sur 3 générations.
Aujourd'hui, je vous fais découvrir l'histoire de Jean AHIER, de Vibraye, qui s'est marié à la femme qu'il avait choisie malgré la réticence de son père.
Ledit père, Charles AHIER, ne semble pas consentir au mariage de son fils. En effet, Jean AHIER a du faire intervenir le notaire de Vibraye, Jacques PINSELOUP, pour une sommation respectueuse.
On retrouve effectivement l'acte suivant dans les minutes de Me Jacques PINCELOUP, Notaire à Vibraye – 4 E 27 / 35 - Vue 383 / 426 (CRGPG) :
« Le 9e jour de février 1696 après midi par devant nous Jacques PINCELOUP Notaire et Tabellion du Marquisat de Vibraye y résidant à la requête de Jean AHIER Marchand demeurant audit Vibraye somme avec lui et en sa présence transporté par devant et à la personne de Charles AHIER Marchand son père demeurant audit Vibraye Lequel Charles AHIER ledit Jean AHIER son fils a prié et requis et humblement supplié de vouloir consentir et assister au mariage qu’il souhaiterait contracter avec Jeanne GERMAIN fille de Julien GERMAIN vivant Chapelier et de Marie HEULANT sa femme demeurante en ce lieu de Vibraye laquelle fille est un partie qui lui convient étant de pareille condition et bien famée lequel AHIER père aurait brusquement monté sur son cheval et aurait dit que son fils était un vaurien et qu’il ne se souciait point de cela et qu’il en moquait et aurait en même pressé le pas de son cheval et refusé de signer de ce interpellé de laquelle réquisition et réponse avons décerné le présent acte pour servir et valoir en temps et lieu ce que raison fait et arreste proche la Rivière de Braye où nous aurions trouvé ledit AHIER père en présence de Julien JOURNET Bourrelier et Jacques JUMEAU Sergent demeurants audit Vibraye témoins signés avec ledit Jean AHIER et le notaire »
La nuit porte conseille, car le lendemain, Charles AHIER semble avoir changé d'avis :
Vue 388 / 426
« Je sous signé Charles AHIER consent que Jean AHIER mon fils épouse Jeanne DU CHESNE (au lieu de Jeanne GERMAIN … du Chesne est peut-être un titre ? le lieu-dit de son domicile ?) » en face l’église et que Monsieur le Curé de Vibraye ou Monsieur son Vicaire procède à la publication des bans et à la célébration de leur mariage, promettant d’avoir agréable tout ce qui se fera pour y parvenir et même de le ratifier si besoin est, soit que je sois présent audit mariage ou que j’en sois absent. En foi de quoi j’ai signé le présent billet et l’ai approuvé quoiqu’il ne soit pas écrit de ma main. A Vibraye le 10e jour de février 1696 et constitué le porteur du présent pour me représenter par lui où besoin sera à l’effet dudit mariage. Signature de Charles AHIER suivi de ‘J’approuve l’écrit ci-dessus’ »
Après avoir obtenu le consentement inattendu de son père, Jean AHIER n'a donc pas perdu de temps pour faire établir son contrat de mariage avec Jeanne GERMAIN, car dès le lendemain :
Vues 385-387
« Du samedi 11e jour de février 1696 avant midi devant nous Jacques PINCELOUP Notaire et Tabellion du Marquisat de Vibraye y résidant
Furent présents en personnes Jean AHIER Marchand fils de Charles AHIER aussi marchand et de défunte Julienne CALU sa première femme demeurant audit Vibraye d’une part et Jeanne GERMAIN fille de défunt Julien GERMAIN vivant Chapelier et de Marie HULANT sa femme à présent sa veuve d’autre part … »
On note tout de même que Charles AHIER n’est pas présent au contrat de mariage. Il est représenté par Mre Louis FROGER, Avocat au Parlement, Procureur fiscal dudit Vibraye, y demeurant.
L’époux est assisté de son frère Nicolas AHIER, Marchand, son frère.
Charles AHIER et Julienne CALU sont mes ancêtres (sosa n° 3066 et 3067)
Le mariage religieux ne tardera pas, car il est célébré à Vibraye le mardi 28 février 1696 (Registres paroissiaux - BMS 1672-100 - vue 193 / 286).
Il est question du consentement écrit du père du marié.
L'époux est assisté de Louis et Nicolas AHIER, ses frères, ainsi que son parrain, Jean BOUSSIQUAUT, mais son père n'est toujours pas présent.
Charles AHIER était donc absent au contrat de mariage ainsi qu'au mariage de son fils Jean 17 jours plus tard.
Je ne voudrais pas faire des conclusions hâtives, mais faut-il comprendre qu'il était consentant pour la forme mais que la "pilule" (sommation respectueuse) avait tout de même du mal à passer ? ;-)